mardi 3 mars 2009

Fragments d’intranquillité, éclats de sacré, explosion de beauté


c'est l'heure des brasiers (josé marti)


le film est déjà commencé !

les spectateurs perçoivent des sons assourdis et des éclairs de lumière à travers les meurtrières vitrées de la salle jullian, mais ne peuvent entrer, s’impatientent, s’interrogent, jusqu’au moment où la porte s’entrouvre, et la main de waël leur jette au visage une explosion de papiers découpés, anthologie terroriste, fleurons de la révolution, lautréamont, thoreau, louise michel, marti, marighela...

dans une salle enténébrée chacun cherche sa place, se laisse bousculer par des images dont l’obscure clarté est parfois traversée par les ombres des spectateurs

sombre déflagration

dans la salle le public, en silence, se masse comme il peut, fait face à l’éclat d’un écran. il est d’abord captivé par le montage des rushes inédits de l’histoire de la drogue, qui passent seuls sur l’écran, faisant succéder à une typologie personnelle, désenchantée et ironique de diverses substances psychotropes les multiples corps qu’elles façonnent, dealers fracassés, mannequins de porcelaine brisés auxquels font écho les top models qui défilent en parallèle à des images de guerre télévisée. la guerre est une drogue, dont les corps morts n’appartiennent ni à ceux qui les tuent, ni à ceux qui les regardent, mais à l’histoire – histoire que waël ne cesse de faire, krasnogorsk au poing : « l’arme pour le fétiche, la caméra pour l’efficacité, la drogue pour le délire »

a la fin de cette ébauche de film surgissent d’autres images sur quatre murs opposés. la salle oscille, aveuglée par les projecteurs, s'écarte, se baisse, se reconfigure. on a vu des cônes lumineux littéralement découper la foule, modeler le public écartelé par cette quadruple projection simultanée, sur différentes surfaces, d’images qui se répondent et gagnent une nouvelle perspective de ce déploiement. pris dans ce tir croisé d'images et de sons les spectateurs sont saisis, leur hésitation est palpable à inventer un nouveau mode de vision qui, devant l’impossibilité de tout embrasser, ne peut que se laisser malmener, accepter que le son de ce sera beau résonne étrangement sur july trip, que la voix de Nico se perde dans le désert du yémen, parfois couverte par celle de f.-j. ossang.

la majorité du public finit par faire face à a film far beyond a god. ce n’est qu’à la fin du moyen-métrage qu’on se rend compte que les autres projections ont cessé depuis longtemps, en un imperceptible arrêt qui conclut la manifestation sur le silence envoûtant, et sacré, d’images où la violence du visible s’est métamorphosée en éphémère beauté.

attentat visuel : ko debout

je retiens la tension, les frémissements d’énergie, la ferveur des spectateurs éblouis d’impaKt (110 selon les organisateurs, 50 selon la police). loin du vacarme et de la cacophonie envisagés parfois comme forme ultime de la guérilla artistique, waël a séduit et terrassé son public par la beauté de son installation, et surpris les organisateurs par une stratégie du contre-pied permanent. ces tensions mêmes ont été productives, ont permis une séance où, poussé dans ses derniers retranchements, waël a créé un spectacle total, un moment d’évidence esthétique et politique, une performance commencée dans le noir, l’inconnu, l’inconfort, et terminée en une offrande où les fidèle assis par terre, debout, couchés sur les tables, ont plongé sans retenue dans les superbes surimpressions finales de a film far beyond a god, eau et terre originelles de rimbaud, de pasolini, de carlos.

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